⭐Qu’est-ce qui t’a amenée à effectuer ta reconversion professionnelle ?

J’étais professeure de français langue étrangère et coordinatrice pédagogique. Je travaillais dans la même structure depuis 20 ans. Tout allait très bien puis la crise du covid est arrivée. J’ai  été licenciée économique avec 8 autres collègues. Ça a été très brutal. J’ai appris mon licenciement par téléphone, aucune discussion possible, tout était décidé. Ils m’ont assuré que je serai réembauchée un an plus tard, une fois la crise passée et les étudiants étrangers revenus. Ils m’ont incité à profiter de cette année comme une année sabbatique. Mais ce n’est pas dans mon tempérament de rester les bras croisés. En novembre j’ai commencé les ateliers Activ’Créa d’Ingeneria avec l’idée d’organiser mes propres séjours linguistiques personnalisés basés sur l’humain autant que sur la langue et la culture. Au fur et à mesure des ateliers, différents projets voyaient le jour. Parmi tous, développer l’association humanitaire pour laquelle je suis présidente bénévole depuis quatre ans, et en devenir salariée. Au début j’étais dans le déni ( nous étions bénévoles et je devais rester bénévole) puis j’en ai parlé aux membres du bureau l’un après l’autre et tous été ravis que je propose de développer l’association. Selon eux, l’association avait tout à y gagner. L’entonnoir s’est resserré autour de ce projet de reconversion.

⭐Quel a été le déclencheur qui a fait que tu as eu cette envie de reconversion ?

C’est davantage un processus de plusieurs déclencheurs qu’un seul.

D’abord, lorsque j’ai reçu la proposition de réembauche de l’institut, je n’ai pas sauté de joie, j’étais déboussolée, d’un côté c’était facile d’accepter, j’aurai réintégré mon poste en septembre 2021, de l’autre je ne m’imaginais pas retravailler avec des personnes qui m’avaient licenciée, qui avaient tant de mal à certains de mes collègues, quelque chose était cassé.

Puis, pendant l’atelier Ingeniera « Confiance en soi, estime de soi » de Natacha Miloyan-Connin, celle-ci a dit des phrases qui ont raisonné en moi: « On a le droit de travailler en accord avec notre éthique », « On a le droit de s’autoriser à ne plus être que dans des choses raisonnables »; Elle a fini l’atelier par un poème qui s’intitule « Vis maintenant « . J’ai retenu: « Il meurt lentement celui qui devient esclave de ses habitudes, ne change pas lorsqu’il est malheureux. Vis maintenant! ». J’ai commencé à me dire que je pouvais faire autre chose que de l’enseignement du FLE et ce qui est en rapport avec ce domaine. J’ai listé tout ce que je pouvais et ce que j’aimerais faire. Parmi cette longue liste, il y avait « Développer Aider Aimer Africa Style ».

Ensuite, la psychologue de Pôle Emploi, madame Sarre-Bournet, qui me suivait, me voyait depuis le début travailler dans une ONG, et pour elle il était hors de question que je retourne travailler pour l’institut qui m’avait licenciée si brutalement.

Enfin, le formateur qui me suivait à Ingeneria, Eric Sagnes, m’a dit que je je retournais à l’institut, j’allais juste perdre un an car au bout de compte je ne resterai pas travailler avec des personnes dont je savais qu’ils ne partageaient pas mes valeurs.

⭐Qu’est ce que tu as appris sur toi durant cette expérience ou est en train d’apprendre?

J’ai découvert que l’aspect financier avait moins d’importance pour moi que l’éthique et mes valeurs. J’ai découvert que je ne cherchais pas la facilité ni le confort. J’aurais pu reprendre ma vie professionnelle antérieure, j’y gagnais bien ma vie, c’était localisé dans le centre d’Aix ( très agréable), j’avais un magnifique bureau calme et lumineux en haut d’une chapelle, des collègues sympas, un travail que j’aimais et dans lequel j’étais compétente, et pourtant j’ai refusé la proposition de réembauche. Je n’ai plus confiance, les dirigeants nous ont trahis avec ce licenciement économique collectif ( ils auraient pu continuer le chômage partiel ou on aurait pu trouver ensemble d’autres solutions), je ne serai plus motivée de travailler dans une structure que je trouvais désormais capitaliste.

⭐Qu’est ce qui t’ a donné ou te donne le plus de peps ?

Ce qui m’anime, c’est de savoir que des enfants vont à l’école, mangent à leur faim, sont vêtus, .. bref vivent décemment grâce au travail que j’accomplis. J’adore faire des vidéos avec l’orphelinat et voir les enfants, sourire, rire, …

J’aime beaucoup faire des ventes caritatives et vendre des articles en wax, fabriqués sur place à Kinshasa. Lors de ces ventes, je rencontre souvent de belles personnes.

⭐Si c’était à refaire qu’est ce que tu ferais différemment ?

Pour l’instant c’est trop tôt pour répondre. À ce jour je ne changerai rien. J’y vais étape par étape. Mon licenciement date de fin août. J’ai suivi les ateliers ingeneria de novembre à février. J’ai commencé un bilan de compétences en mars pour valider mon choix, il sera fini à la fin du mois mais tout tend vers l’humanitaire. J’espère suivre des formations qui vont m’aider, notamment en comptabilité et gestion. Il faudra me reposer cette question dans un an!